Brutopia
Le projet Brutopia est né d’un désir commun à une trentaine d’hommes et de femmes : celui d’habiter Bruxelles, d’une manière qui soit à la fois collective, écologique et responsable. Habitant déjà la capitale pour la plupart, provinciaux pour quelques uns, nous aimons Bruxelles et avons – malgré l’augmentation des prix d’achat ou de location – choisi d’y vivre.
L’objectif est d’y habiter, travailler et d’y avoir nos loisirs sans devoir multiplier les longs déplacements, en profitant au mieux des potentialités qu’offre la cité. Brutopia entend promouvoir une implantation durable, associé à une mobilité « douce ». En créant une asbl et en évitant de devoir faire appel à un promoteur immobilier puisque nous remplissons collectivement cette tâche, nous nous sommes engagés dans l’achat d’un terrain et dans la construction d’un immeuble d’appartements.
Notre groupe, qui rassemble actuellement une cinquantaine de personnes, comprend aussi bien des jeunes adultes que des têtes blanches, des célibataires que des couples. Certains ont des enfants en bas âge et cherchent un logement plus grand, alors que d’autres souhaitent précisément déménager parce que leur progéniture a quitté le cocon familial. On y retrouve autant de néerlandophones que de francophones : le Bru- de Brutopia représente Bruxelles, et il est apparu dès le départ évident que chacun, à tout moment, pouvait, que ce soit dans les assemblées ou dans les groupes de travail, s’exprimer dans la langue dans laquelle il se sentait le plus à l’aise. Les textes importants (statuts, engagements divers, etc.) sont bien entendu traduits dans les deux langues. Revenus et professions sont eux aussi hétérogènes : on retrouve, entre autres parmi les « Brutopistes » des architectes, des historiens, des journalistes, des thérapeutes, des infographistes, des enseignants, des comédiens, des juristes, des chorégraphes, des acteurs du secteur socio-culturel, des informaticiens, des philosophes ou encore des infirmières. Ces profils divers font au final un groupe riche en compétences et en expériences, possédant un réseau relationnel multiplié par le nombre de membres. Chacun peut ainsi apporter sa pierre à l’édifice. Comme le résume Manfred Hellrigl, directeur du Bureau des questions du futur qui a contribué à la réussite du Vorarlberg autrichien : « L’hétérogénéité des groupes diversifie les regards posés sur les problèmes et augmente la capacité à les résoudre ».
Ce projet immobilier collectif, s’il est indéniablement novateur et porteur de nouvelles perspectives quant à la manière d’habiter la ville, a néanmoins pu s’appuyer sur quelques expériences précédentes. C’est ainsi que « La Tréfilerie », où quelques-uns d’entre nous ont été impliqués, nous a servi d’exemple. Cette ancienne usine désaffectée, située à Laeken, a en effet été transformée en un ensemble de logements par un groupe d’acheteurs gérant tout le processus sans promoteur. Le fait que ce projet ait été mené à bien, que le bâtiment « La Tréfilerie » soit désormais habité et agréable à vivre – notamment de par ces nombreux espaces communs (jardin, terrasses) – a certainement été décisif pour que nous osions nous jeter à l’eau. L’expérience Brutopia pourra, à son tour, être utile et reproduite par d’autres. C’est là l’une des raisons qui nous ont poussées à créer, dès le départ, un blog où toute personne intéressée peut, à tout moment, retrouver les différentes étapes que nous avons franchies, la manière dont nous nous sommes organisés ou encore les organismes qui nous ont appuyés. Loin d’être totalement « utopique », ce type d’achats collectifs de logements est au contraire tout à fait reproductible, à différentes échelles et dans différents contextes.
2. Allier économie et écologie
Acheter ensemble pour payer moins : telle est l’une des idées à l’origine de Brutopia. L’acquisition d’un terrain, la construction en commun sans promoteur, l’(éventuel) achat groupé de matériaux de finition personnels (cuisine, baignoire, etc.), ainsi que tout ce qu’il est possible de faire soi-même, permettent de réduire les prix et rendent ce projet d’habitation possible. La plupart des « Brutopistes » n’auraient pu espérer acheter un appartement comparable, en ville, aux conditions actuelles du marché immobilier.
Cet aspect économique a, dès le départ, été étroitement lié à une autre ligne de force du projet : la dimension écologique. L’une des premières tâches auxquelles s’est attelée notre groupe a en effet été l’élaboration d’un questionnaire approfondi permettant à chacun faire part de ses priorités et de ses attentes. Or, cette enquête (dont on peut lire les résultats sur https://utopiabrussels.wordpress.com/2009/04/30/community-resultaten-enquete-2/) a montré de manière très nette que le souci écologique occupait la première place des préoccupations des « Brutopistes ».
L’impact sur l’environnement a dès lors été au cœur même de la réflexion sur la manière d’élaborer notre Brutopia. Ainsi, si beaucoup au sein de notre groupe rêvaient dans un premier temps de pouvoir transformer un vieux bâtiment plein de charme, il est rapidement apparu qu’un terrain à bâtir s’imposait, car permettant des performances écologiques supérieures, tout en restant dans une enveloppe de prix raisonnable. Cette volonté de construire un immeuble écologiquement responsable fut concrétisée par une déclaration adoptée en assemblée générale. Force est de constater qu’aujourd’hui, aucun promoteur sur le marché bruxellois ne propose ce type de constructions responsables et durables dans des budgets accessibles. Brutopia entend être un projet écologique, certes, mais pas au détriment de la mixité sociale: il ne s’agit pas de mettre sur pied un projet élitiste pour quelques happy few, mais au contraire de garantir une diversité maximale dans les types d’appartements.
Ce souci écologique traverse toute la conception et l’exécution du projet, depuis le choix du terrain et du type de construction jusqu’à la réflexion sur les matériaux de finition, en passant par une attention particulière accordée au système de chauffage et à l’isolation. Nous avons d’ailleurs pris soin de choisir 2 bureaux d’architectes (l’un étant chargé des plans et de la demande de permis, l’autre des appels d’offres et du suivi du chantier) particulièrement motivés par la construction écologique. Notre projet bénéficie de l’expertise de différents spécialistes en construction écologique : le facilitateur ibge pour les logements collectifs, le bureau Daidalos (conseiller en énergie et acoustique), les bureaux d’architectes, l’ingénieur en techniques spéciales.
Cette volonté d’allier écologie et économie s’est également cristallisée autour de la question des transports. Différentes voies pour diminuer l’usage de la voiture ont été explorées. L’accessibilité du site en transports en commun a ainsi constitué l’un des critères décisifs dans le choix de la parcelle. Le terrain finalement retenu est desservi par quatre lignes de tram STIB, situées à quelques pas à peine du bâtiment. Cinq minutes (en tram) nous séparent du réseau métro, de la gare du Midi qui a l’avantage d’être à la fois SNCB et TGV. La circulation en vélo et en voitures partagées sera également facilitée. L’une des avenues bordant notre parcelle est ainsi dotée de pistes cyclables, ce qui bien entendu encourage l’utilisation de la bicyclette. Dans le même esprit, la commune de Forest nous a informé que plusieurs points de stationnement Villo! (système de vélos partagés en libre-service) seront très prochainement installés à proximité de notre terrain, dont un à moins de 100 m de notre bâtiment.
Un système de voitures partagées sera en outre, à terme, mis en place entre certains « Brutopistes » souhaitant éviter les désavantages de la possession individuelle d’un véhicule, mais également ceux de ne pas être motorisé du tout.
Nous collaborons pour cela avec l’asbl Autopia (www.autodelen.net), qui fournit un appui administratif, comptable et « assurances » à ceux qui sont intéressés par cette nouvelle forme de mobilité. Concrètement, les utilisateurs qui le souhaitent partagent des véhicules, et donc des coûts en fonction du nombre de kilomètres qu’ils parcourent. Ces voitures seront installées dans le parking commun. Ce système visant à faire supporter les frais en fonction d’une utilisation plus ou moins intensive représente évidemment pour chaque participant une économie appréciable, mais surtout incite à réfléchir à ses modes de déplacement. Chacun aura alors tendance à choisir pour chaque déplacement le moyen le plus adéquat, l’utilisation de l’automobile devenant plus rationnelle.
Nos plans d’architectes prévoient actuellement 25 places de parking, ce qui correspond au chiffre minimum suivant les directives des services de l’urbanisme au niveau de la commune et de la région. C’est délibérément que nous avons choisi d’avoir moins de places de parking que d’appartements, et ce malgré les exigences en la matière des (futurs) acheteurs des surfaces commerciales situées au rez-de-chaussée. Mais surtout, ces plans d’architectes ont été pensés pour développer des alternatives pratiques en matière de mobilité : une infrastructure favorisant l’usage des vélos, motos et voitures électriques sera mise en place.
3. Un chancre urbain à faire revivre
Le terrain retenu pour bâtir notre Brutopia se situe à Forest, entre l’avenue Van Volxem et la rue de Mérode, au cœur du quartier Saint-Antoine. Ce quartier recèle nombre d’infrastructures – crèches, écoles, magasins – dans les environs immédiats, ce qui permet de limiter au maximum les déplacements inutiles. Plusieurs espaces verts, comme le Parc de Forest ou le Parc Duden, jalonnent les environs immédiats.
Même si Brutopia est un projet purement privé, le fait qu’il soit situé sur le territoire d’un contrat de quartier (Contrat de quartier Saint Antoine) nous est rapidement apparu comme essentiel, tant les objectifs des uns s’accordaient à ceux des autres. Le programme du contrat de Quartier Saint-Antoine se donne en effet, entre autres, pour objectif explicite la « création ou la réhabilitation de logements », ainsi que la « création ou la réhabilitation d’espaces réservés aux activités artisanales ou industrielles, complémentaires à une opération de logement ». Ce programme précise par ailleurs l’historique et la composition sociologique du quartier St Antoine de façon particulièrement éclairante en regard des ambitions du projet Brutopia : « La densité de population de 26 931 hab./km2 est une des plus importante de la Région et de Forest. En comparaison la densité habitée autour de la place Saint-Denis est de 8.904 hab/km2 ». Il est par ailleurs constaté que la population y est particulièrement jeune (1 habitant sur 3 a moins de 18 ans) et peu active professionnellement (seuls 1/3 de la population a un emploi). Proche de la gare du Midi, Saint-Antoine est avant tout un quartier de transit : suivant le dernier recensement, environ 50% de la population du quartier a déménagé entre 1996 et 2001. Enfin, ce programme du contrat de quartier St Antoine déplore « la présence de quelques chancres rue de Mérode, rue de Belgrade, et avenue Van Volxem » et signale que « les immeubles situés dans le bas du quartier (rue de Mérode) souffrent de manière récurrente d’inondations qui fragilisent ainsi ces lieux au niveau de leurs occupations et activités ».
C’est à l’un de ces chancres urbains que nous nous attaquons, la parcelle retenue abritant actuellement trois bâtisses en ruine : deux maisons et un hangar irrécupérables, auquel s’ajoute un terrain vague qui a longtemps servi de parking à une firme d’autocars. Ce terrain n’est plus exploitée depuis une quinzaine d’années, et a fait l’objet de plusieurs projets immobiliers qui ont échoué.
Le quartier St Antoine n’en recèle pas moins de multiples potentialités et infrastructures en résonance directe avec notre projet. Des établissements scolaires : une école communale francophone (école n°9), une école communale néerlandophone (école n°11), une école privée (école Saint-Antoine) et une école d’enseignement spécialisé (école de la Cime). Mais aussi nombre de lieux dédiés à la diffusion artistique, notamment le Movy Club – un cinéma de quartier –, un « laboratoire socio-artistique » situé dans les anciens bains de Forest (les Bains Connectives), un espace publique numérique en accès libre doublé d’un espace évènementiel (le Brass), une antenne de la Bibliothèque néerlandophone (Bli:b) ainsi que le Wiels. Ce dernier, important centre d’art contemporain, a ouvert ses portes en 2007 sur le site des anciennes brasseries Wielemans, contribuant à redynamiser l’ensemble du quartier. Ce mouvement s’amorce également à travers la construction de plusieurs immeubles de bureaux de l’autre côté de l’avenue Van Volxem, mais aussi bientôt à travers quelques autres projets dont la commune de Forest nous a informé. C’est à cette redynamisation que Brutopia entend contribuer, à travers une implantation en parfaite synergie avec le contrat de quartier, en accroissant la diversité socio-culturelle d’un quartier qui revit.
Le terrain mesure 17a07 et a une façade de 34,88 m du côté de la rue de Mérode et de 36,66 m du côté Van Volxem. Nous pouvons donc raisonnablement espérer recevoir un permis d’urbanisme pour la construction de 2 bâtiments, un dans chaque rue, réunis par un jardin collectif. L’ensemble comportera 27 appartements, auxquels viennent s’ajouter quelques surfaces commerciales ou professionnelles au rez-de-chaussée. Notons que ce rez-de-chaussée, tout comme l’entièreté du bâtiment (à l’exception d’une terrasse en toiture), sera d’un accès facile pour les personnes à mobilité réduite. Pour cet étage aussi, l’accent sera mis sur le collectif : nous favoriserons des usages permettant une réelle ouverture sur le quartier et des affectations offrant une plus-value sociale. Les acheteurs pouvant répondre à certains besoins du quartier (crèche, service aux personnes,…) auront notre préférence. L’environnement aura bien entendu une grande influence sur notre qualité de vie, mais réciproquement, nous sommes convaincus que notre projet peut contribuer à la revalorisation d’un quartier qui s’avère chaque jour plus dynamique. Brutopia sera tout sauf une forteresse isolée : une intégration ouverte et multifonctionnelle au quartier et à la commune est au cœur de notre démarche. Le rez-de-chaussée constitue à cet égard un lieu-clé, un point de contact naturel avec la rue.
L’architecture générale du bâtiment entend favoriser communications et contacts avec le voisinage. L’avant-projet architectural prévoit ainsi des coursives en lieu et place des couloirs intérieurs. Au-delà de leur évidente plus-value écologique, ces coursives ouvrent le bâtiment vers son environnement. Constituant une transition douce entre la rue et l’espace privé, elles favorisent le sentiment d’appartenance au quartier dans le chef des habitants de Brutopia.
4. Un habitat participatif
« Ce n’est pas seulement dans les innovations techniques qu’il faut chercher les modèles capables d’assurer notre avenir, mais dans de nouvelles relations humaines, fondées sur la confiance, la solidarité et le partage ». En résonance avec ces mots de Dominique Gauzin-Müller, commissaire de l’exposition Habiter écologique qui se tient actuellement à la Cité de l’Architecture (Paris), Brutopia se veut un projet immobilier qui s’élabore, non au détriment du collectif et du social, mais en pleine synergie avec lui. La recherche d’un terrain adéquat, l’achat, l’élaboration des plans, la construction « casco » et l’occupation future du bâtiment : chacune de ces étapes prennent ici un caractère participatif.
Nous avons choisi d’être plus qu’une juxtaposition d’habitants dans un immeuble : sont ainsi prévus une laverie-buanderie collective (qui entraînera un bénéfice communautaire mais aussi écologique), un garage à vélos, etc., bref toute une architecture dont les circulations sont pensées pour faciliter les rencontres. Le jardin commun unissant les deux bâtiments se veut lui aussi un point de contacts et d’échanges entre les habitants. Ce jardin sera un « pré fleuri», à savoir un espace planté d’espèces sauvages (par « espèces sauvages », il faut comprendre des plantes indigènes, et non exotiques ou rares), qui permet d’améliorer grandement la biodiversité. En effet, en remplaçant une pelouse par un pré fleuri, on offre aux insectes de quoi se nourrir (feuilles, racines, etc.), des fleurs à butiner, un abri pour se protéger : un jardin d’Eden pour papillons, abeilles et autres coccinelles, de plus en plus rares en ville et pourtant très utiles. Une seule fauche tardive par an est suffisante pour l’entretien de ces zones semi-naturelles. Ce « jardin sauvage » permet d’éviter l’usage d’herbicides, pesticides ou autre engrais. Ce « pré fleuri » est également mieux adapté aux jeux des enfants qu’une pelouse ou que des parterres. Mais, pour les adultes aussi, courir dans les champs ou faire une sieste dans les herbes hautes sera désormais possible au cœur même de la ville!
Une terrasse commune sur le toit pourra constituer un autre point de rencontre privilégié. Cette grande surface pourra être aménagée en « coin détente », cinéma en plein air, solarium ou encore en potager. Ces jardins sur les toits, espaces généralement inexploités, bénéficient d’un ensoleillement accru et constituent en quelque sorte des « nouveaux » espaces pour la communauté. Un potager sur le toît permet en outre de réduire l’empreinte écologique de nos bâtiments : la culture locale d’aliments biologiques, le compostage de déchets organiques ainsi que la filtration et le rafraîchissement de l’air (absorption du dioxyde de carbone et rejet de l’oxygène par les plantes) s’inscrivent dans cette volonté de rendre notre paysage bâti plus durable.
Tout cela renforcera l’idée qu’il est possible de vivre la ville d’une manière moins impersonnelle, comme l’ambitionne, déjà, l’article 3 des statuts de l’asbl : « Le but de l’association est […] favoriser la cohésion et la cohabitation des habitants. Créer un lieu de rencontre culturel et social pour les habitants et les voisins de l’achat collectif. L’association peut aussi mettre en place l’infrastructure nécessaire pour atteindre ce but et faire appel aux contributions de ses membres, aux interventions d’instances officielles ou de sympathisants ».
Un projet d’habitation n’est collectif que si chaque individu qui le compose se considère membre du groupe et s’engage en conséquence. Chacun de nous porte ainsi la responsabilité du projet durant l’ensemble de son déroulement. Les décisions, dans toute la mesure du possible, sont prises de manière consensuelle. De manière plus informelle mais tout aussi significative, certains “Brutopistes” ont émis le souhait d’organiser une médiathèque interne et un échange de gardes d’enfants.
Il ne faudrait pas déduire, pourtant, de tout ceci que nous souhaitons fonder une Commune soixante-huitarde en 2010. La sphère individuelle reste bien présente, mais toujours en cohabitation harmonieuse avec l’intérêt commun. L’espace sera ainsi divisé physiquement en zones : chaque appartement est une propriété privée et doit conserver son intimité, en-dehors des parties communes déjà évoquée et qui seront gérées collectivement. La construction en commun se limitant au « casco », chacun achète en quelque sorte une boîte vide, qu’il peut ensuite aménager comme bon lui semble.
Acheter ensemble exige temps et énergie. En échange de quoi, chacun reçoit de nombreux avantages matériels et immatériels : le prix des appartements, la liberté d’aménager totalement un lot « nu », une mixité sociale, les possibilités d’entraide entre habitants, la valorisation personnelle d’accomplir et de s’intégrer dans un projet ambitieux, une qualité de vie inédite. Même quelque chose d’aussi flou que le sentiment de sécurité se renforce fortement, puisque nous apprenons déjà à connaître nos futurs voisins en élaborant avec eux, étape par étape, ce que pourrait signifier « habiter au pluriel ».
5. L’utopie au quotidien
Pour concrétiser cette nouvelle façon d’habiter la ville, il a fallu imaginer des manières de travailler et une organisation interne qui permettent que chacun se sente responsable de l’ensemble du projet, tout en conservant efficacité et souplesse. Le fonctionnement de Brutopia est, d’abord, celui d’une asbl classique : une assemblée générale des membres se réunit périodiquement, elle a notamment élu un conseil d’administration composé de cinq effectifs et cinq suppléants. Mais des formes de gestion plus novatrices, on va le voir, ont également été mises en place.
Le travail nécessaire à l’achat du terrain, puis à sa construction et à son habitation, est porté par différents groupes de travail. Cette structuration en groupes de travail relativement autonomes assure une répartition des tâches et l’implication de tous les membres, tout en garantissant le fonctionnement démocratique du projet. Neuf groupes de travail sont actuellement actifs : ils sont respectivement chargés de ce qui concerne (1) l’architecture, (2) les aspects communautaires, (3) la technique, (4) l’IT (Information Technology), (5) le rez-de-chaussée, (6) les relations avec les banques, (7) le blog, (8) les questions juridiques et (9) enfin les finances. Chaque groupe est constitué volontairement, sur base des intérêts, qualifications et expériences de chacun. C’est ainsi, par exemple, que nous avons la chance de compter plusieurs architectes parmi nos membres, qui se sont tout naturellement insérés dans le groupe du même nom. En fonction des besoins, ces groupes se réunissent plus ou moins fréquemment, certains disparaîtront par la suite pour laisser place à des nouveaux. Ces groupes de travail, qui collaborent et se complètent, permettent aussi aux « Brutopistes » de mieux se connaître et de poser les jalons de liens dépassant le simple voisinage.
Une structure interne transparente s’est rapidement imposée : chaque groupe a désigné un porte-parole, chargé de rendre compte à l’assemblée générale. Mais, surtout, chaque réunion de chaque groupe de travail est annoncée publiquement – tout le monde peut s’y rendre –, et est suivie d’un compte-rendu publié sur notre blog, pensé comme un lieu d’information et d’échange entre « Brutopistes ».
Notre souhait est que chaque membre du groupe prenne une part active au projet. Si l’entièreté du groupe s’avère, et ce depuis plus d’un an, très motivée, nous devons tenir compte de facteurs personnels qui feront qu’à certains moments, certains ne seront plus disponibles. Nous devons aussi prévoir que ceux qui s’ajouteront par la suite afin que tous les espaces soient occupés ne manifesteront peut-être pas la volonté d’être actifs. Afin de garantir un traitement équitable à chacun, une valorisation des heures de travail au service du projet a été mise en place. Dès le départ, chacun a pu choisir : soit prester des heures de travail et bénéficier d’une légère réduction sur le prix d’achat d’un lot, soit de se contenter d’acheter un appartement et payer un peu plus cher.
Cette participation active ne prendra pas fin avec l’achèvement de la construction. Tout sera fait pour que le bâtiment fonctionne d’une façon à la fois conviviale et économique : les tâches du syndic seront limitées au minimum légal, et partagées entre nous, tout en respectant des degrés d’implications divers parmi les habitants. Enfin, un « petit livre vert », en cours de réaction, sera distribué aux « Brutopistes » pour que chacun soit au courant de la façon dont le bâtiment a été conçu et de la manière optimale d’y habiter.
infobrutopia@gmail.com