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ASBL, coopérative, fondation, copropriété, CLT : les formes juridiques

Raphael – détail de la Madonne sixtine (1512-1514)

Un vide juridique entoure encore l’habitat groupé / solidaire : si quatre formes juridiques existent, aucune n’est tout à fait parfaite ou adaptée à l’habitat groupé / solidaire. Il s’avèrera donc souvent nécessaire de faire preuve d’inventivité, même et surtout dans ce domaine.

Concrètement, jongler entre ces formes existantes en cumulant les avantage de l’une et de l’autre en fonction des projets, du terrain, des aspects financiers est recommandable dans nombre de cas –par exemple une fondation pour l’achat du terrain, une ASBL pour mener des activités, une copropriété pour se répartir le bâti. Le concours d’un notaire disposant d’une expérience avec ce type d’habitat et de montage est ici crucial.

La copropriété

 

La copropriété est une forme reprise dans une majorité des projets d’habitat groupé / solidaire. En regard des autres formes, elle traduit une vision plus individuelle du projet.

Avantages Inconvénients
Propriété pleine : chacun est propriétaire de son logement & copropriétaire des parties communes Chacun est libre de spéculer à la revente de son « lot ».
Possibilité de sortir ‘facilement’ si prévu lors de l’acte de base (notaire) Le « poids » décisionnel de chaque habitant dépend du lot du terrain.
$$$ : pas de comptabilité à tenir + abattement (jusqu’à 175M€) selon certaines conditions à Bxl. $$$ : Banques ne souhaitent pas prêter de l’argent pour les parties communes.
Pas de maîtrise du groupe sur la sélection d’un remplaçant en cas de départ d’un habitant

 

La coopérative 

 

La coopérative est une forme utilisée par une minorité de projets -de l’ordre de 5%- qui appelle un grand sens de la collectivité et la présence de valeurs communes fortes. En Belgique cependant, vu ses limites juridiques, la coopérative est un modèle dont les porteurs d’un projet d’habitat groupé / solidaire se détournent de plus en plus aujourd’hui. Une des raisons en est la taxation de la plus-value en cas de dissolution, sous la forme d’un impôt des sociétés pur et simple.

Avantages Inconvénients
Projet pérenne car la coopérative existe au-delà des individus Moins de sensation d’être « propriétaire » (parts de coop)
$$$ : obtention de subsides (secteur public peut prendre des parts de coop) $$$ : coop commerciale soumise à l’impôt des sociétés, à la TVA
$$$ : solidarité entre coopérateurs ou entre habitants (certains paient plus que d’autres) $$$ : difficultés pour obtenir un emprunt hypothécaire individuel
Si nécessaire, les logements peuvent être ‘échangés’ entre habitants sans vente
Pas de droits d’enregistrement (12,5%) à payer en cas de revente d’une part.
Facilite la préservation du patrimoine architectural

L’ASBL

 

L’ASBL est une forme assez courante dans les habitats groupés, surtout ceux à vocation sociale.

Fonder une ASBL est assez simple et peu coûteux : il « suffit » de constituer un CA avec au moins trois membres et d’inscrire les nouveaux statuts au Moniteur et peut être intéressant si l’on porte ensemble un projet.

Avantages Inconvénients
Projet pérenne – pas d’acte notarié ni d’apport en capital Pas d’héritage possible : asbl est et reste propriétaire du bien acquis en son nom
Forme juridique « contrôlée » par la Loi sur les asbl (CA-AG) Impossibilité de sortir le bien immobilier de l’asbl
$$$ : obtention de subsides (asbl a une forme juridique) $$$ : soumise à la comptabilité des asbl, cette formule est mal adaptée à la gestion d’un parc de logements. Il n’est par exemple pas possible de contracter un emprunt hypothécaire sous cette forme.

Exemples :

  • L’Echappée est un habitat groupé formé par des particuliers. Comme pour le projet Brutopia, ceux-ci ont fondé une ASBL afin de faire naître et de rapidement formaliser leur projet dès le début, ils sont après passés en copropriété : « Très vite, nous avons créé une ASBL, avec un Conseil d’Administration (CA) et une Assemblée Générale (AG) afin de prendre les décisions de fa­çon structurée. ».
  • Dans l’habitat Abbeyfield « Martin pêcheur », trois habitants siègent au conseil d’administration de l’ASBL “Maison Abbeyfield du Martin-Pêcheur à Watermael-Boitsfort”, à côté de deux volontaires.
  • Le projet Montagne-Saint-Job, monté en ASBL il y a plus de 40 ans héberge des familles et des personnes en situation de handicap mental léger.

 

La fondation

 

La forme de la fondation est de plus en plus utilisée pour monter un habitat groupé/solidaire car elle cumule des avantages de la coopérative et de l’ASBL. Elle doit être constituée auprès d’un notaire (nécessité d’un acte authentique), et administrée par un conseil d’administration regroupant trois personnes au minimum.

Avantages Inconvénients
Projet pérenne – prévoir un droit de préemption en cas de turn over (d’où modèle anti-spéculatif potentiel) La gouvernance de la Fondation (beaucoup moins cadrée qu’une asbl)
$$$ : capacité de gérer du patrimoine :  contracter un emprunt & en faire bénéficier sous forme de droit démembré + recevoir des aides publiques (subsides) $$$ : Si droit de préemption prévu dans l’acte : soit la personne ne « profitera » pas de la plus-value comme elle le souhaite – soit elle sera super taxée.
$$$ : droit d’enregistrement (7%) mais flux financiers non taxés sauf si spéculation manifeste $$$ : si droit de préemption non prévu, perte du patrimoine de la Fondation

 

Exemples :

La toute récente Fondation privée Habitat Groupé Tivoli a été créée pour garantir des valeurs d’habitat groupé et combinée à un système d’emphythéose pour maintenir une accessibilité financière ; les Fondus du Petit Marais près de Mons ; les projets de la fondation d’utilité publique CLT Bruxelles (voir plus bas).

 

En définitive, quelle forme choisir ?

 

Le choix d’une forme juridique choisie peut aussi dépendre du ou des porteurs de projets s’ils existent déjà sous les traits d’une ASBL, institution publique, fondation, agence immobilière sociale (AIS) etc.

De manière générale, il faudra faire preuve de créativité pour créer sa propre forme en combinant, adaptant les 4 formes existantes en fonction de son propre projet.

 

Le cas des Community Land Trusts (CLT)

 

Projet l’Ecluse du CLTB mené avec Convivence ASBL, la Rue ASBL, et e Fonds du Logement pour les emprunts hypothécaires (Photo Marc Detiffe)

Un community land trust est un modèle anti spéculatif d’accès à la propriété issu des USA. C’est une organisation sans but lucratif proposant prioritairement à la vente des logements accessibles à tous, dans une perspective de mixité sociale, Ceci est combinable avec diverses formes juridiques, dont souvent la fondation d’utilité publique ou privée (cas du projet Alodjî en Wallonie), et n’exclut pas nécessairement la présence d’une copropriété (ex : le projet l’Ecluse du CLTB en photo ci-dessus), d’habitations en location, d’une Agence Immobilière Sociale, …. La forme d’une ASBL s’avère par contre moins gagnante car on ne peut en ‘sortir’ le patrimoine qui est à son actif. A Bruxelles, le CLTB est composé d’une ASBL qui gère le suivi des projets de construction et de l’accompagnement des collectifs, et d’une fondation d’utilité publique qui possède et gère les terrains.

Le CLT, c’est aussi 5 principes :

  • Le CLT « gèle » le terrain ou le bien dont il dispose dans une structure juridique de type emphythéose ou droit de superficie (voir fiche sur l’urbanisme bruxellois) pour s’en réserver la maîtrise à perpétuité. Les habitants deviendront copropriétaires uniquement du bâti.
  • Accès social à la propriété pour les bas revenus. NB les personnes qui peuvent se le permettre s’orienteront naturellement vers des solutions plus classiques de propriété, tandis que les profils les plus fragilisés resteront peut-être dans un schéma locatif. Le CLT vise précisément les personnes qui n’ont juste pas assez pour devenir propriétaire sur le marché privé.
  • Mixité sociale, des fonctions, et des lieux : à la variété souhaitée des publics s’ajoute une diversité des fonctions qui peuvent s’ajouter au logement. A notre sens, une telle émulation invitant par exemple des commerces peu lucratifs ou un équipement de quartier à partager l’avantage financier d’un terrain sous emphythéose gagnerait à fleurir plus encore en Belgique. L’idée du CLT est aussi de se disséminer sur le territoire en fonction des opportunités afin de favoriser aussi plus d’échanges.
  • Gouvernance avec les habitants : les projets CLT ne seraient plus ce qu’ils sont sans cette gouvernance participative qui fait la force des projets. L’idéal visé par le CLT est que les décisions soient prises par un conseil d’administration où siège un tiers d’habitants, un tiers de représentants d’intérêt public et un tiers des représentants des quartiers (société civile). Cet idéal en faveur d’une émancipation et cohésion sociale des citoyens n’est malheureusement pas toujours atteint. A Bruxelles, il est actuellement question de transférer les terrains de la fondation CLTB au Fonds du Logement, en mettant de ce fait un terme à cette gouvernance tripartite basée sur la gestion collective du sol.

 

Pour plus d’informations sur les formes juridiques, voir aussi ici.

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